Dernière mise à jour le 18 juin 2020
Dans un monde économique de plus en plus violent, un monde dans lequel les établissements financiers semblent tout diriger, comment faire encore confiance à sa banque ? Et comment, surtout, être sûr d’avoir opté pour un comportement éthique ? Les banques dites éthiques fleurissent. Elles sont de plus en plus visibles. De la Nef au Crédit Coopératif, en passant par Morning, la start-up Toulousaine, sur quels principes reposent les fonctionnements de ces banques éthiques ?
Comment distinguer une banque coopérative ?
N’oublions pas que 3 des plus grandes banque banques françaises sont des banques dites coopératives. Pour autant, elles ont quand même plongé tête baissée dans la finance spéculative et les logiques de rendements capitalistes. Le Crédit Agricole, les Crédits Mutuels et la Caisse d’épargne appartiennent d’ailleurs toutes au club fermé des institutions dites « too big to fail », trop grosse pour chuter. Ces banques au statut coopératif ont troqué leur vocation coopératrice pour toujours plus d’actifs, de pouvoir et de spéculation. Difficile alors de faire la part des choses entre une banque au statut coopératif et une banque réellement coopérative.
Les professionnels du marketing nous feraient passer des vessies pour des lanternes. Et, à l’occasion, le Crédit Agricole pour une banque coopérative éthique respectant ses sociétaires… Mais c’est peut-être vrai dans certaines agences après tout. Dans les faits, la réflexion autour du pouvoir bancaire et de la relation banque/client s’est réellement faite après la « crise » de 2008. Partout en Europe, des gens se sont posé les questions de l’utilité de la banque et du pouvoir réel des sociétaires sur leur banque de dépôt.
C’est ainsi qu’en Belgique, NewB a vu le jour. De même que Ebanka en Croatie en 2014. Le but ? C’est Magdalena Jelić, porte-parole de Ebanka, qui nous le livre le plus simplement du monde : « Créer une banque qui soit entre les mains des Croates et renforcer l’inclusion de la population dans la gouvernance bancaire. » C’est exactement cela, renforcer l’inclusion de la population dans la gouvernance bancaire. En somme, reprendre le principe de la coopération, sans le dévoyer cette fois. Car ces fonctionnements qui ne dévient pas de cet objectif principal ne sont pas nouveaux. En Allemagne, la banque coopérative écolo GLS existe depuis les années 1970. Elle est forte de plus de 200 000 clients et a attribué plus de 600 Millions d’Euros à des projets d’énergie renouvelable par exemple.
Et en France ?
En France, le Crédit Coopératif et la Nef Banque sont connues sur ce marché. Le Crédit Coopératif compte plus de 320 000 clients et distribue toujours des produits d’épargne éthique. Le compte Agir, développé par le Crédit Coopératif est extrêmement intéressant. Le principe d’une banque comme celle-là est qu’elle est financée par les dépôts de ses clients. Les prêts sont donc accordés par des clients déposant à des clients en demande. Ce qui permet de développer et de soutenir une économie réelle, de proximité, sans spéculation sur les marchés.
Plus récente, la Nef Banque avance. Au départ, il ne s’agissait que d’une coopérative financière. Mais depuis avril 2015, elle est autorisée à ouvrir des livrets d’épargne et des comptes courants à destination des professionnels. Et dans le courant de l’année 2018, elle pourra enfin ouvrir des comptes courants pour les particuliers. Attention au rush à l’ouverture.
Mais ce qui différencie vraiment ces banques là (Crédit Coopératif et Nef Banque), c’est avant tout la destination des fonds. Car après tout, comme nous l’avons exprimé plus haut, la BPCE, le Crédit Agricole et le Crédit Mutuel sont également des banques dites coopératives. Elles sont donc régies selon le principe un sociétaire = une voix. Le statut coopératif ne suffit donc pas pour se présenter comme une banque éthique. C’est la philosophie qu’il y a derrière qui compte. Est-ce que le but est l’enrichissement individuel ou le partage des ressources ? Dans les faits, les banques éthiques soutiennent des projets éthiques, et se donnent une mission ; celle d’être utile à l’économie réelle, à l’environnement, à la société dans laquelle elles évoluent, à la solidarité entre les personnes, à la transparence totale sur leur mode de gestion, leur gouvernance et leur prise de décision. Et c’est ça qui fait la différence.
Une autre façon de penser l’argent.
La Nef (Nouvelle économie fraternelle) et le Crédit Coopératif financent donc des projets durables, culturels, sociaux, solidaires et/ou environnementaux. Le but est le même que celui d’Ebanka en Croatie : favoriser l’implication des citoyens dans la gestion de la manne commune. Placer l’humain au cœur de l’économie et non pas en périphérie. De surcroît, les projets financés le sont sans aucun recours aux marchés. Ces établissements n’empruntent pas pour redistribuer. Elles sont entièrement capitalisées par leurs sociétaires clients.
Par exemple, et contrairement à nos trois chères banque citées plus haut, la Nef et le Crédit Coopératif seront incapables de financer de l’extraction d’énergie fossile ou des armes nucléaires. Au contraire même, en 2014, la Nef a financé des projets en agriculture biologique et biodynamique à hauteur de 1,6 Millions d’Euros. Sur plus de 21 Millions d’Euros de crédit accordés en 2014, plus des deux tiers ont été consacrés à l’écologie. Et la nouveauté, c’est que la Nef rend tous ses prêts publics. Il est donc possible à tout un chacun de connaître les montants et les destinations des fonds débloqués. Crèches, écoles Montessori, brasserie biologiques, librairies indépendantes… Vous pouvez tout consulter.
Mais ces banques vont encore plus loin. En associant la gestion des comptes courant et des placements à l’économie sociale et solidaire. Tout ou partie de vos intérêts de placement peuvent donc être versés au compte d’une association que vous aurez choisie dans la liste de celles soutenues par ces établissements. Et il s’agira toujours d’une association environnementale, solidaire ou sociale. Mieux, le Crédit Coopératif a adapté la fameuse taxe Tobin à sa gestion, en soumettant à ses clients la possibilité de reverser 0,01 % des montants sur les opérations de change à des acteurs de l’économie durable, sociale et solidaire, en France comme à l’étranger. Une véritable innovation bancaire !
Un contact au plus près du terrain.
Autre idée novatrice, les banquiers itinérants. La Nef détache depuis plusieurs années 6 banquiers itinérants sur le territoire français. Leur mission, développer les réseaux, animer des débats autour des financements, prendre contact avec les sociétaires, les engager dans la gestion de leur argent et de leur banque. Malheureusement, le fonctionnement bancaire actuel nous incite à la passivité. Le système d’assistanat développé par les banques elles-mêmes n’est pas étranger à cela. Ne vous occupez de rien, on gère… Et on fait ce qu’on veut. C’est un peu le modus operandi de nos établissements bancaires les plus connus. Là, le chemin est différent, la réflexion aussi.
Et ce n’est pas un hasard si l’on retrouve aujourd’hui plus de 30 associations de sociétaires de la Nef qui œuvrent bénévolement sur le terrain. Leur mission est de soutenir et d’aider les porteurs de projets, d’aller à leur rencontre, et d’informer tout le monde sur les prochaines assemblées et les prochaines directives qui doivent être prises par l’établissement. Ainsi, grâce à cette transparence sur le terrain comme dans les bureaux, le processus démocratique s’en trouve renforcé.
Le hic de l’adossement à la BPCE.
En 2002, le Crédit Coopératif, après de nombreux débats, parfois houleux, a pris la décision de s’adosser au groupe BPCE. Le but de cet adossement est de permettre à la banque éthique de pouvoir se refinancer au même taux que le groupe mentionné, et ainsi de faciliter le refinancement de la banque et de réaliser quelques économies non négligeables. Cet adossement concerne également la Nef, puisqu’elle est devenue partenaire du Crédit Coopératif. Bien que ce soit le Crédit Coopératif qui détienne 1% du capital de la BPCE et non la BPCE qui est propriétaire du Crédit Coopératif, cet adossement peut semer le doute dans l’esprit des citoyens cherchant l’alternative.
Et on le comprend. Natixis, filiale du groupe BPCE, était impliqué en première ligne lors de la crise des subprimes. Pire encore, le groupe a financé pour plus de 11 milliards d’Euros en énergies fossiles entre 2009 et 2014. Difficile de voir son nom adossé a des actions qui n’auraient leur place au Crédit Coopératif. En ce qui concerne la Nef, elle n’attend plus que de devenir une banque de plein droit (ce qui ne saurait tarder). De fait, le partenariat avec le Crédit Coopératif deviendra caduc et la Nef retrouvera son indépendance totale.
Pourquoi y a-t-il très peu de banques éthiques et/ou alternatives ?
Tout simplement du fait des réglementations, Françaises comme Européennes. Les lois favorisent la concentration et les grosses machines de guerre. Les 5 plus grosses banques françaises possèdent 85 % du marché national. Que faire contre la BNP Paribas, la SG et les trois fausses mutualistes nommées plus haut ? Imad Thabet, responsable de la vie coopérative au Crédit coopératif nous explique : « Nous faisons, comme toutes les banques, des prêts à long terme mais des dépôts à court terme. Nous avons eu besoin de nous refinancer. Or, le coût de ce refinancement dépend de la taille de la banque. Le Crédit coopératif s’est alors retrouvé avec un coût de refinancement plus élevé que le taux de crédit accordé à ses clients. » On comprend alors mieux l’adossement au groupe BPCE, qui a permis au Crédit Coopératif de se refinancer à moindre frais, bénéficiant de l’aura de la BPCE sur les marchés.
L’autre difficulté vient des réglementations internationales. Les parts des sociétaires ne sont pas reconnues comme étant des fonds propres, du capital, bien qu’elles soient bien plus stables que de l’actionnariat. Ces réglementations ne sont donc pas favorables à l’émergence de banques alternatives. Pourtant, en France, une start-up Toulousaine se débat pour faire avancer ses idées ; Morning (auparavant nommée Payname), essaie de développer le concept de banque éthique et alternative, travaillant également dans l’économie solidaire et sociale, et en se posant comme une néobanque, la nouvelle génération des banques en ligne.
Et puis, d’autres modèles, d’autres banques éthiques existent en Europe, comme le système Scandinave Jak. Les idées sont là. Il suffit juste que la graine pousse un peu plus, afin de faire que cette belle plante devienne plus visible. Plus les sociétaires seront nombreux, plus les débats seront constructifs et créatifs, et plus les projets solidaires, sociaux, environnementaux, écologiques, durables trouveront des financements éthiques. C’est à nous de prendre notre argent en main et de nous impliquer dans sa gestion au quotidien…
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