Le feuilleton Crédit Mutuel

Dernière mise à jour le 7 septembre 2022

On vous avait promis de vous tenir au courant du feuilleton entre les différentes caisses et fédérations du Crédit Mutuel. Chose promise, chose due. En effet, un nouvel événement vient brouiller une fois de plus les cartes dans l’affaire qui oppose la plus grosse fédération de caisses de Crédit Mutuel, le CM11-CIC, et son dissident le plus important, le Crédit Mutuel Arkéa. Deux gestions différentes, et, surtout, deux visions de la banque parfois opposées, qui portent pourtant la même étiquette. On croirait presque revivre une période pré Brexit, toutes proportions gardées, bien sûr.

Clermont Ferrand se rebiffe !

Dans le rôle de l’Union Européenne, la caisse fédérative du Crédit Mutuel. Dans celui de l’Allemagne, Le CM11-CIC, et enfin, pour jouer le rôle de l’insulaire un peut différent, qui de mieux que le Crédit Mutuel Arkéa, principalement construit autour du Crédit Mutuel de Bretagne. Mais que vient faire Clermont-Ferrand là-dedans, me direz-vous ? C’est qu’il manque un personnage pour que l’intrigue soit complète. Et ici, la Caisse du Massif Central joue celui de l’Ecosse. Puisque L’Angleterre n’est pas d’accord avec l’UE, alors quittons l’Angleterre pour rejoindre directement l’UE.

C’est un peut ce qu’il se passe aujourd’hui au sein du Crédit Mutuel Arkéa. La caisse du Massif Central souhaite faire sécession pour intégrer la CM11-CIC. En somme les banquiers de Clermont Ferrand réclament plus d’intégration centralisée quand les Bretons souhaitent quant à eux conserver leur pleine autonomie. Autonomie qui leur va bien d’ailleurs, si l’on s’on s’en réfère aux derniers chiffres publiés par la banque mutualiste. Mais le gros poisson ne l’entend pas de cette oreille, et compte bien, à court terme, faire main basse sur les richesses Bretonnes.

Et l’on peut dire que les mots de Ronan Le Moal, directeur Général du Crédit Mutuel Arkéa, sont très forts à l’encontre de l’ogre d’adversaire qu’est le CM11-CIC. Il n’hésite pas à parler purement et simplement de tentative d’annexion du CM11-CIC au détriment de la Caisse du Massif Central. Ces mots exacts sont les suivants : « une tentative d’annexion du Crédit Mutuel du Massif Central par les cadres du CM11-CIC. Elle s’est faite dans l’illégalité la plus complète et au mépris des règles mutualistes, déontologiques et de la réglementation bancaire. » Ni plus, ni moins.

 

L’intérêt de l’ogre.

Le Crédit Mutuel fait partie de ces cinq grands groupes Français qui dominent totalement le marché bancaire en France. De près ou de loin, toute entité bancaire existante est rattachée à l’un de ces groupes en France. Mis à part les néobanques, les cartes prépayées et certaines banques privées, rien n’échappe à ces monstres financiers. Mais si les quatre premiers sont unifiés, ce n’est pas le cas du Crédit Mutuel. Et c’est justement ce que souhaiterait le CM11-CIC, qui en profiterait pour prendre le contrôle de l’intégralité du Crédit Mutuel. Ce qui ferait du groupe unifié une banque qui pourrait elle aussi prétendre à faire partie du club très select des fameux « too big to fail », ces trente institutions bancaires de part le monde, qui, si elles venaient à collapser, entraîneraient le monde entier dans leur chute.

Les quatre autres acteurs du marché bancaire français ont leur place bien au chaud dans le top 16 de ce club, et rois d’entre elles (le Crédit Agricole, la Société Générale, et la BNP Paribas) ont même leur carte de membres permanents du Top 10 mondial. C’est ce qui justifie l’appétit d’ogre du CM11-CIC, qui se sent un peu à la traîne et aimerait bien participer aussi aux joutes de ses petits camarades. Mais voilà, cette vision mondialiste n’est pas vraiment partagée par le Crédit Mutuel Arkéa, qui préfère, et de loin, la gestion fédérative, cette dernière permettant l’autonomie entre les diverses fédérations, ce que ne permet pas la centralisation. Et pour l’instant, Arkéa résiste.

 

Une lutte qui vient de loin.

Mais cette résistance n’est pas nouvelle. Déjà, à la fin des années 1990, les velléités de rapprochement étaient clairement affichées. Devant le refus de la Bretagne de se soumettre, le gros Crédit Mutuel avait racheté le CIC, installant ainsi une concurrence à sa propre marque sur un territoire contrôlé par un autre porteur de la marque. Dans les affaires, on appelle ça un joli coup, très bas, certes, mais il faut savoir ce que l’on veut. Et en l’occurrence, le CM11 voulait La caisse de Bretagne du Crédit Mutuel.

Mais les bretons ne se sont pas laissés faire, loin de là même. Il sont d’abord créé Fortuneo, en 2000. Mais le CM11-CIC la devance, en prenant le contrôle de Monabanq en 2008, avant que Fortuneo ne devienne véritablement banque en ligne, en 2009. Le CM11 contrôle Cofidis ? Arkéa avait déjà Financo depuis longtemps. Arkéa investit dans la Fintech en vue de créer une néobanque avec Pumpkin ? le CM11 réplique avec Avantoo, le premier compte qui comprend le smartphone, l’abonnement téléphonique, la carte bleue, l’appli… En bref, le téléphone est fourni avec le compte bancaire.

Et ainsi de suite. Mais entre-temps, Fortuneo a réellement percé, quand Monabanq peine à trouver son équilibre. Et, avec le rachat de Keytrade, opérateur N°1 en Belgique, Arkéa attise encore plus de convoitises. Il faut dire qu’Arkéa se comporte comme une banque indépendante, et réalise bien plus que le simple rôle de fédération bancaire. Et le simple fait d’imaginer qu’Arkéa pourrait demander un MutExit fait cauchemarder les dirigeants du CM11-CIC… Pourtant, la stratégie d’Arkéa pourrait bien faire penser à une tentative d’évasion d’un cocon devenu bien trop petit.

 

Arkéa s’émancipe, et ça lui réussit.

Financo, Fortuneo, Keytrade, Pumpkin, Leetchi, Virtualis, Yomoni, Linxo, Grisbee, Fluo, Vivienne Investissement, Masuccession.fr… Tous ces noms ne vous disent peut-être rien, surtout les derniers. Mais ce sont dorénavant toutes les entreprises sous le contrôle du Crédit Mutuel Arkéa. Durant ces dernières années, la banque s’est attachée à développer et à accompagner le changement de paradigme bancaire. Pour les dirigeants d’Arkéa, il est évident que le monde mobile, nomade, connecté, le monde des « millenials », est le monde de demain. Et il convient de ne pas être en retard.

Arkéa scrute donc toutes les nouveautés, expérimente, accompagne les start-ups, et reprend directement dans son giron celles qui délivrent les plus belles promesses. N26 et Ferratum Bank sont en avance sur le marché des néobanques. Et leurs concepts cartonnent. On comprend donc que le Crédit Mutuel Arkéa veuille accompagner ce mouvement, comme le ferait n’importe quel groupe bancaire… Ronan le Moal (encore lui), lors du rachat le 13 juillet 2017 de Pumpkin, Fintech spécialisée dans le transfert d’argent rapide et simple entre particuliers et qui revendique 250 000 clients : « Avec Pumpkin, que nous connaissons bien, nous avons l’ambition de poursuivre la transformation de nos métiers, avec le lancement d’une néobanque mobile à destination des millenials en Europe. » Soit exactement le marché ciblé par les deux néobanques cités plus haut.

Orange traîne son retard, la BPCE n’a même pas encore de banque en ligne, la Banque Postale non plus. Au Crédit Agricole, on peine à lâcher la bride à BforBank, de peur de devoir faire face à un exode massif vers la filiale en ligne. De l’autre côté, la BNP Paribas a racheté le Compte Nickel et suit également de très près l’éclosion des Fintechs. Quant à la Société Générale, avec Boursorama et son millionième client dépassé depuis 6 mois, tout va bien. Il y a donc une place à prendre chez les néobanques en tant que leader Français. Et c’est justement ce à quoi s’attelle désormais le Crédit Mutuel Arkéa. D’ailleurs, les banques du groupe Arkéa pourront toutes bientôt profiter d’Apple Pay, qui est encore loin d’être généralisé chez les autres banques.

 

Un conflit ingérable.

Pour résumer, donc, il s’agit bien plus d’une guerre politique et géopolitique que d’un simple conflit financier entre les deux entités. Et, les deux parties étant dans l’incapacité de s’entendre, c’est le conseil d’état qui devra trancher. Attention à sa décision, qui doit être rendue à l’automne. Désormais, la lutte d’influence a débuté. Et les cabinets de lobbying sont à pied d’oeuvre, dans l’un comme dans l’autre camp. Selon la réponse donnée, on assistera à une guerre des tranchées qui donnera inéluctablement naissance à un nouveau monstre financier, ou alors à une sécession entre les deux caisses fédératives. Le Crédit Mutuel Arkéa pourrait alors devenir simplement la banque Arkéa.

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