L’assurance-vie court vers son décès.

Dernière mise à jour le 16 septembre 2022

Après le passage de la loi Sapin II, est-il encore intéressant de souscrire des assurances-vie ? En effet, un amendement précis de cette nouvelle loi de finance confère un pouvoir plus grand au HCSF (Haut Conseil de Stabilité Financière), et lui donne toute latitude pour contrôler les flux liés aux contrats d’assurances-vie. En résumé, deux faits importants sont à craindre pour les épargnants, baisse des rendements et blocage de l’épargne. Retour en détails sur cette affaire, ou quand l’austérité profite toujours aux mêmes.

Perte de rendements et blocage des retraits, le nouveau visage de l’assurance-vie.

Revenons donc plus en détail sur le pourquoi de cette nouvelle loi. Depuis de nombreuses années, l’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution) et la banque de France n’ont eu de cesse de demander aux acteurs financiers de baisser leurs rendements sur les assurances-vie. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’à l’heure de rembourser les épargnants, les caisses seront désespérément vides.

Dans les faits, les fonds investis par les épargnants sont réinvestis dans leur grande majorité par les compagnies dans les bons du trésor. Le problème, c’est que les bons du trésor, jusque là réputés sûrs et sans risques ne rapportent plus rien. Ils sont à leur plus bas historique, descendant même en négatif pour certains d’entre eux. Les compagnies d’assurance réalisent donc des marges négatives sur ces produits. Toutefois, elles poursuivent leur acquisition de nouveaux clients en continuant de proposer des rendements élevés en comptant sur leurs réserves de plus-values réalisées des années précédentes. Et en espérant une hausse nouvelle des rendements des bons du trésor. Sauf que pour cela, il faudrait que les taux directeurs remontent. Ce qui ne semble pas la solution envisagée par la BCE.

Une hausse des taux entrainerait une grave inflation que la plupart des ménages ne pourraient supporter. Alors qu’un maintient des taux très bas, voire négatifs, interdirait toute promesse de croissance. Bref, la finance mondiale est dans une impasse, et, en France, le gouvernement a choisi l’assurance-vie comme otage, afin d’anticiper la prochaine crise. Au final, ce n’est ni plus ni moins qu’un bail-in, c’est-à-dire la possibilité pour un établissement financier de recouvrir ses pertes en se servant de l’épargne de ses clients. Rappelons au passage que cette possibilité légale résulte d’un accord Européen de juin 2015.

Protéger les banques et les assurances malgré leurs propres erreurs.

Mais revenons à nos épargnants. En France, l’assurance-vie représente 1 milliards 500 millions d’Euro. 1 500 000 000 €. Ecrit comme ça, c’est sans doute plus parlant. Et cette somme est répartie sur 15 millions de contrats. En cas de crise ou même de rush, si tous les épargnants réclament leur du, ce à quoi ils ont tout à fait le droit, le fait que les bons du trésor adossés aux assurances-vie soient à leur plus bas historique peut faire encourir une perte de 1 000 milliards d’Euros cumulés aux établissements financiers. Inutile alors de vous faire un dessin sur la suite des événements. La crise des subprimes, à côté, c’était de la rigolade. Le risque systémique est donc bien réellement engagé.

De fait, le gouvernement a pris acte de la chose, et, puisque les établissements financiers ne veulent pas entendre raison en baissant leurs rendements, de façon à abaisser le niveau de risque, Michel Sapin et son équipe ont donc délivré plus de pourvoir au HCSF pour que ce dernier impose de nouvelles règles aux dits établissements financiers, banques et assurances.

Mais comme d’habitude, ce sont encore les épargnants qui vont trinquer. Et plutôt deux fois qu’une. Dans un premier temps, ce sont les rendements qui vont fortement baisser. Et le HCSF s’en félicite d’avance. Mais dans la pratique, le fait est que les épargnants risquent de ne plus toucher grand-chose. En effet, entre les frais divers et variés auxquels les assureurs et les banques savent nous soumettre, le rendement faible sera presque intégralement mangé. Seuls certains établissements, comme les banques en ligne pourront encore se prévaloir d’offrir à leurs clients une véritable marge sur leurs contrats, certes faible, mais existante toutefois. Et ceci pour une seule raison. Ils ne ponctionnent pas de frais sur leurs contrats d’assurances-vie.

Punir les épargnants pour les erreurs commises par leurs assureurs.

Mais une autre conséquence pointe à l’horizon, le HCSF pourra décider de bloquer les retraits et les rachats de contrat d’assurances-vie s’il estime que les variations sur le marché obligataire sont trop importantes. Certes, ce refus de rendre leur argent aux épargnants sera limité à deux fois 3 mois éventuellement renouvelable. Le but de la manœuvre étant d’éviter la panique bancaire. Mais dans les faits, ce sont encore les établissements financiers qui sont protégés et les épargnants qui se font spolier leurs économies… Pour sauver l’Economie…

On aurait apprécié qu’un gouvernement de gauche dont l’ennemi désigné était la finance (du moins dans le fameux discours du Bourget) qu’il punisse avant tout les responsables de cette faute professionnelle lourde, engageant des conséquences graves sur l’économie mondiale. Car les fabricants de ces produits devenus toxiques ne pouvaient pas ne pas être au courant de ce qu’ils faisaient. Mais non. Au contraire, ces derniers pourront toujours continuer d’inventer de nouveaux procédés pour s’enrichir d’argent totalement virtuel au détriment des épargnants perdant leurs économies réelles. Le néo-libéralisme a encore gagné, avec les compliments des marchés financiers et l’approbation complète du gouvernement Français. Pour faire court, une fois encore, nos représentants ont acté la célèbre maxime capitaliste : privatiser les gains, et mutualiser les pertes.

Pour éviter le krach obligataire, il faudrait sans doute maintenir les taux très bas pendant vingt ans, histoire de purger tous les contrats d’assurances-vie en cours. Mais si les taux restent au plus bas historique durant vingt ans, ne comptez pas sur la croissance pour faire bouillir la marmite. Autrement dit, pour votre épargne, ça sent le Sapin…

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